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L’intervenant autochtone

  21 juin 2023

Georgie est intervenant autochtone pour le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels au point de service de Ville-Marie, au Témiscamingue. Son travail consiste à soutenir les personnes victimes et témoins d’actes criminels autochtones ainsi que leurs proches en fonction de leurs besoins, que ce soit pour un suivi psychosocial ou un accompagnement à la Cour. Mais Georgie ne reste pas assis à son bureau à attendre que ces gens se présentent. Non. Il parcourt les heures de route nécessaires, généralement à raison de trois jours par semaine, pour se rendre directement dans les communautés environnantes et aller à la rencontre des personnes victimes. Des déplacements essentiels pour rendre les services du CAVAC le plus accessibles possible aux membres des Premières Nations de Winneway (Long Point), de Timiskaming, de Wolf Lake et de Kebaowek.

Une présence récurrente qui fait toute la différence pour ces habitants, selon lui. D’abord parce que trouver un moyen de transport afin d’assister à une rencontre à Ville-Marie peut représenter tout un défi et toute une dépense, mais aussi parce que prendre un rendez-vous à une heure et une date fixe, ce n’est pas pour tout le monde. Il n’est pas rare que l’intervenant n’ait aucune rencontre à l’horaire lors de sa visite hebdomadaire en communauté, mais il n’a pas des journées moins chargées pour autant. Les personnes se présentent bien souvent tour à tour dans son bureau, de façon spontanée, sachant qu’il est là, qu’il est à l’écoute. Il arrive parfois qu’une personne victime vivant en communauté le contacte à son bureau de Ville-Marie au courant de l’avant-midi parce qu’il souhaite discuter, parce qu’il veut qu’on l’aide maintenant. Quand ça se produit, Georgie n’hésite pas une seconde et saute dans sa voiture, laissant le reste derrière. Parce que le reste peut attendre, tout le contraire d’une personne victime prête à s’ouvrir.

« Quand une victime est prête à parler, il faut qu’on saute là-dessus aussitôt que possible parce que si on met ça trop loin, son envie de parler va peut-être passer. C’est vraiment important, c’est la priorité »

– Georgie McMartin

Des racines communes

Georgie est connu des habitants des différentes communautés autochtones du coin, il y a habité et y a travaillé toute sa vie. Il parle anglais, français et se débrouille en algonquin. Bien qu’il convienne que ses origines aident souvent à établir un lien de confiance plus rapide avec les personnes victimes, il est d’avis que « l’important c’est de les écouter, que l’intervenant soit autochtone ou allochtone ». Mais ses collègues, elles, s’estiment chanceuses d’avoir Georgie au sein de l’équipe. Et d’avoir Tina Mapachee, une autre précieuse intervenante Anicinapek qui travaille au CAVAC Abitibi-Témiscamingue depuis quelques années. Tous les intervenants autochtones au sein du Réseau des CAVAC ont une valeur inestimable pour les bénéficiaires des services ainsi que pour leurs collègues.

« Selon moi, une personne victime autochtone va se livrer beaucoup plus facilement à un.e intervenant autochtone qu’à un.e allochtone, sauf exception. Ils partagent les mêmes racines, bien souvent la même langue. C’est souvent très sécurisant pour la clientèle ».

– Nancy Bouchard, directrice générale du CAVAC Abitibi-Témiscamingue

En plus de ces racines, il arrive que Georgie partage les vieilles blessures que portent certaines personnes victimes qu’il aide. C’est le cas d’un homme qui vit avec le traumatisme des pensionnats autochtones et qui lui a dit en début de suivi, avoir l’impression que « personne ne pouvait le comprendre ». L’intervenant lui a alors répondu qu’il y avait étudié lui aussi au pensionnat, de l’âge de six à huit ans. Ainsi, les deux ont été forcés de fréquenter le pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery, étant enfants. Georgie lui a dit qu’il le comprenait. Qu’il comprenait son langage, sa douleur.

Cette expérience commune a permis à l’intervenant de rapidement développer un lien de confiance avec lui. Ils ont d’ailleurs planifié retourner sur les lieux où était érigé le pensionnat à une autre époque et où ne restent aujourd’hui que des monuments à la mémoire des survivants et de bien mauvais souvenirs. Cette visite prévue s’inscrit dans le travail de suivi de Georgie auprès de cette personne victime. Elle vise à la faire cheminer pour qu’elle arrive à mieux vivre avec les blessures du passé, pour que ces traumatismes n’aient plus le contrôle sur sa vie et que cette personne soit en mesure d’avancer. C’est ce qui motive Georgie à aller au travail chaque jour et pourquoi il continue de repousser son départ à la retraite. De voir les personnes victimes qu’il aide trouver un moyen de remplacer le trauma par quelque chose de positif, comme lui l’a fait il y a de nombreuses années.

« Même si ce sont des mémoires qu’on n’effacera jamais, il faut faire le travail, mettre ça de côté et avancer. Les personnes victimes doivent savoir qu’il y a de l’espoir et que la vie n’est pas terminée », souffle l’homme de 61 ans, qui a pour sa part débuté le travail de guérison à l’âge de 32 ans.

Portrait dans le Réseau des CAVAC

Les intervenants dédiés aux membres des communautés autochtones font partie des équipes CAVAC dans plusieurs régions du Québec, notamment en Abitibi-Témiscamingue, en Outaouais, à Lanaudière, sur la Côte-Nord, au Saguenay Lac-Saint-Jean et en Gaspésie Îles-de-la-Madeleine.

Certains sont autochtones, d’autres allochtones, leurs allés et venus dans les communautés sont essentiels pour établir un contact avec les personnes victimes d’actes criminels et s’assurer qu’elles connaissent les services. Des protocoles d’entente avec plusieurs services de police autochtones ont même été mis en place au cours des dernières années, permettant ainsi au CAVAC de faire une approche proactive.

Évidemment, les autochtones vivant en milieu urbain ont aussi accès à nos services, et ce en français, en anglais ou en langue autochtone au besoin, à l’aide d’un.e interprète. La documentation produite pour les personnes victimes est aussi disponible en français, en anglais et en certaines langues autochtones.

Le Réseau des CAVAC a entamé depuis quelques années une démarche de sécurisation culturelle afin de rendre nos organismes plus accueillants, sécurisants et propices à la création d’un lien de confiance. Parce qu’il est important qu’aucune personne victime ou témoin d’infraction criminelle ne souffre en silence, peu importe son origine ou sa langue.