Des collègues à quatre pattes dans les CAVAC
6 mars 2023
Depuis l’automne 2022, de nouveaux collègues, particulièrement mignons et plein d’entrain, ont fait leur entrée dans quatre Centres d’aide aux victimes d’actes criminels. C’est dans le cadre de l’implantation d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et violence conjugale que ce projet-pilote de chien d’assistance judiciaire a vu le jour dans les CAVAC de la Montérégie, de l’Estrie, du Centre-du-Québec et de la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches. Ainsi, quatre intervenantes ont eu récemment le privilège de, à la fois accueillir un nouveau compagnon dans leur vie, et un nouveau collègue qui l’accompagne dorénavant chaque jour au travail.
Leur rôle ? Aider les intervenantes à mieux soutenir les personnes victimes d’actes criminels, notamment lors de leur passage à la Cour, en leur offrant une présence apaisante et réconfortante. Bien qu’il s’agisse d’un projet prometteur qui sera très bénéfique pour la clientèle des CAVAC, il comporte son lot de défis et demande beaucoup d’adaptation.
Pourquoi des chiens d’assistance dans les CAVAC ?
Les bienfaits liés à la présence de l’animal auprès des personnes victimes sont multiples et ne sont plus à prouver, puisque bien documentés dans la littérature. En fait, les chiens d’assistance sont présents dans les palais de justice américains depuis plus de quinze ans et sont aujourd’hui bien acceptés et nombreux à porter assistance aux personnes victimes. Au Canada, c’est Caber qui a ouvert le bal en 2010 lorsqu’il s’est joint au service de police Delta en Colombie-Britannique afin de soutenir les personnes victimes d’actes criminels. Au Québec, c’est Kanak qui est devenu le premier chien à offrir ce type d’assistance au service de police de Sherbrooke en 2016, suivi notamment de Sunday à la Sûreté du Québec. Quelques années plus tard, à la lumière de ces expériences concluantes et bien d’autres, mais aussi face à un désir de trouver d’autres façons de soutenir les personnes victimes dans les palais de justice, le ministère de la Justice du Québec a décidé d’inclure un volet animal au projet-pilote des tribunaux spécialisés en violence sexuelle et violence conjugale dans lequel le Réseau des CAVAC joue un rôle important. Une offre de service qui se veut complémentaire à celles des différents corps policiers et de certains intervenants jeunesse.
Mira, un partenaire de choix
Pour mener ce projet à bien, le ministère de la Justice a fait équipe avec la Fondation Mira, un organisme phare en matière de chiens-guides et chiens d’assistance au Québec. Le parcours des chiens sélectionnés pour aller travailler au CAVAC est sensiblement le même que ceux qui accompagneront des personnes vivant avec un handicap, par exemple. Le chien passe la première année de sa vie dans une famille d’accueil bénévole pour assurer sa socialisation. Sa famille l’amène alors partout où elle va, du restaurant à la salle de cinéma, afin de le désensibiliser à tout ce qui l’entoure. L’animal retourne ensuite chez MIRA pour une semaine d’évaluation au terme de laquelle il est classé parmi différents programmes selon son tempérament, ses réactions et ses caractéristiques.
« Pour devenir un chien d’assistance judiciaire, il faut que le chien soit capable d’être calme et disponible pendant de longues périodes puisque c’est ce qui sera attendu de lui en salle de Cour, par exemple ».
– Charlotte Moses Bélanger, Coordonnatrice principale aux projets spéciaux et intervenante aux programmes à la Fondation Mira
Une fois classés, les chiens sont prêts à être jumelés à leur nouveau maître. Les quatre intervenantes CAVAC sélectionnées pour devenir responsables de nos nouveaux collègues se sont donc rendues au siège social de l’organisme l’automne dernier pour suivre une formation. Une formation au cours de laquelle elles ont appris les commandes de base et de quelle façon assurer l’obéissance de leur nouveau partenaire, mais qui a aussi permis d’établir une relation et de commencer à créer des liens avec celui-ci.
Un nouveau défi plein d’inconnu
Ces 10 jours de formation au mois d’octobre ont d’ailleurs été déstabilisants, émotifs et épuisants pour Annie, Nadia, Jade et Anne-Isabelle, nouvelles responsables des chiens d’assistance dans leur CAVAC respectif. Alors que plusieurs peuvent croire qu’un chien MIRA est naturellement obéissant et irréprochable, les intervenantes ont vite réalisé qu’il y a avait beaucoup de travail à faire pour se faire respecter de l’animal, pour assurer ses apprentissages et également pour créer un lien de confiance avec leur nouveau partenaire. Et même si ce lien s’était créé rapidement pour Anne-Isabelle, elle n’a eu d’autres choix que de changer de compagnon à quelques jours du départ à la maison. Une situation qui n’est pas rare au moment du pairage et qui démontre bien qu’il faut faire preuve de flexibilité lorsqu’on travaille avec des êtres vivants.
C’est le défi personnel, mais aussi l’amour des animaux qui ont attiré ces professionnelles en intervention vers ce nouveau poste de responsables de chien d’assistance judiciaire. Même si elles se doutaient toutes des responsabilités et des changements dans leur vie que ce nouveau rôle impliquait, elles admettent qu’il s’agit d’une des expériences les plus déstabilisantes, mais aussi enrichissantes qu’elles aient vécues. Les premières semaines à la maison et au travail ont constitué une période d’acclimatation et d’adaptation pour Java, Scala, Falkor et Lincoln ainsi que pour leur nouvelle maîtresse.
Au travail, il a aussi fallu gérer les collègues et partenaires qui étaient naturellement portés à câliner le chien. Le défi au travail réside également à trouver la formule gagnante dans l’accompagnement des personnes victimes. C’est pourquoi depuis l’arrivée des chiens dans leur milieu de travail au cours du mois de novembre dernier, les intervenantes font des tests et développent des pratiques au cours des interventions. Pour l’instant, les chiens se limitent à être auprès des personnes victimes lors de rencontres et de différentes étapes du processus judiciaire. Certains vont en salle d’audience, d’autres pas encore, et tous ont besoin de pratique sur le podium avant d’accompagner les personnes victimes lors de leur témoignage. Peu importe la façon dont nos nouveaux collègues canins ont accompagné la clientèle ou le nombre de fois qu’ils l’ont fait jusqu’à présent, les intervenantes ont instantanément pu remarquer l’effet bénéfique qu’ils ont eu.
« C’est très apaisant pour les personnes victimes, elles peuvent le flatter et le coller. Ça fait toute la différence! ».
– Jade, CAVAC Centre-du-Québec
« Juste sa présence diminue l’anxiété, ça change les idées des personnes victimes pendant les pauses et créer des sujets de conversation ».
– Nadia, CAVAC Estrie
Un projet en évolution
L’apprentissage, l’expérimentation, l’adaptation et l’arrimage se poursuivront donc au cours des prochains mois. Il s’agit d’un projet-pilote et, comme la définition l’indique, qui est appelé à évoluer et à se transformer afin d’améliorer l’utilisation qu’on fait de la présence animale dans les palais de justice concernés. À la lumière des constats qui seront faits dans le futur et de l’évolution du projet, il n’est pas exclu que de nouveaux collègues canins joignent les équipes d’autres Centres d’aide aux victimes d’actes criminels en province.
Les intervenantes-responsables d’un chien d’assistance en poste présentement, elles, continuent de mettre toutes leurs énergies à consolider les acquis de leur compagnon et à solidifier le lien qui les unit, afin de mieux soutenir les personnes victimes d’actes criminels qui se tournent vers le CAVAC.
*À noter que Scala et Lincoln ont dû quitter le CAVAC pour différentes raisons au cours de l’année 2024
La différence entre un chien d’assistance judiciaire et un chien en intervention assistée par l’animal ?
Il existe également des équipes d’intervention facilitée par l’animal au CAVAC Montréal et au CAVAC Saguenay-Lac-Saint-Jean. Toutefois, le rôle du chien impliqué diffère de celui du chien d’assistance judiciaire et il est important de les différencier.
Intervention assistée par l’animal: le chien apporte un soutien à l’intervenant.e afin de créer des contextes d’intervention riches avec les personnes victimes et de créer un climat sécurisant pour elles.
Chiens d’assistance judiciaire: le chien se rend dans les palais de justice pour apporter un soutien à la personne victime par sa présence et sa disponibilité à différentes étapes du processus judiciaire.