Derrière l’exploitation sexuelle, des proches souffrent aussi
1 février 2023
Jean-François* et Nathalie* sont les parents de Josiane*, une jeune femme qui offre des services sexuels après initialement avoir été recrutée par des proxénètes, il y a plusieurs années. Une situation qui suscite son lot d’inquiétudes et de stress pour le couple, mais également un grand sentiment d’impuissance.
Si les deux acceptent de se confier sur un sujet aussi tabou et délicat, c’est pour sensibiliser la population au phénomène de l’exploitation sexuelle, mais aussi pour mettre en lumière les ressources existantes qui pourraient aider d’autres parents et proches de personnes victimes à mieux les soutenir et à mieux vivre avec cette réalité.
« C’est important que ça se parle et que ça se sache. Ça peut arriver dans n’importe quelle famille, pas juste dans les milieux défavorisés ou aux enfants qui sont laissés à eux-mêmes »
Quand tout change
C’est au début de sa vie d’adulte, à la suite d’une rupture amoureuse, que les parents de Josiane commencent à remarquer certains changements de comportements chez leur fille. Un soudain intérêt pour la vie nocturne. De nouvelles fréquentations, inconnues de ses parents. L’apparition de bottes, manteaux et sacs à main de luxe. Elle quitte la maison tard le soir en marchant et monte à bord d’une voiture au coin de la rue. De plus en plus de mensonges ou de demi-vérités, pour tout et pour rien. Des signes qui, avec le recul, démontraient clairement, selon eux, que Josiane était en train de vivre des choses qui la changerait à jamais.
Malgré les doutes, c’est le choc lorsque Jean-François et Nathalie ont la confirmation que leur fille est sous l’emprise de proxénètes et vend son corps. Alors que Jean-François est en colère contre ceux qui ont profité de Josiane et s’en veut de ne pas avoir été en mesure de la protéger, Nathalie se questionne sur leur rôle de parent.
La réalité, c’est que les personnes victimes d’exploitation sexuelle proviennent de toutes sortes de milieux. De familles aimantes ou de milieux moins attentionnés. De milieux plus défavorisés ou d’autres très aisés. Elles peuvent provenir de familles offrant un encadrement, comme de celles où grandissent des enfants moins supervisés et moins outillés.
À plusieurs reprises depuis l’entrée de Josiane dans l’univers de la prostitution, ses parents ont cru qu’elle était sur la bonne voie pour s’en sortir. Elle a fréquenté des maisons d’hébergement pour femmes en processus de sortie de prostitution et a bénéficié des services qui y sont offerts. À chaque fois, elle semblait progresser et ses parents espéraient que ce serait enfin fini, mais à chaque fois ils ont été déçus d’apprendre qu’elle avait réintégré le milieu. Ces dernières années ont donc été de véritables montages russes avec leur lot de faux espoirs pour le couple qui tente de vivre le plus normalement possible malgré l’inquiétude.
« On a tout le temps peur que quelqu’un vienne sonner à la maison, que la police nous dise qu’il est arrivé quelque chose à notre fille »
– Jean-François
« On se dit que c’est son choix, que c’est une adulte. Je réussi bien ces temps-ci à lâcher prise, mais ça reste toujours dans nos têtes »
– Nathalie
De l’aide existe
Pour les aider à naviguer à travers tout ça, Jean-François et Nathalie affirment que le soutien du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels a été essentiel et déterminant. Ils n’ont pas hésité une seconde à participer au groupe de soutien destiné aux parents et proches de personnes en situation d’exploitation sexuelle. Un groupe qui permet aux participants de bien comprendre le phénomène de l’exploitation sexuelle, de s’outiller pour arriver à mieux soutenir leur proche et d’échanger avec d’autres gens qui vivent une situation semblable. Jean-François, qui discutait ouvertement de la situation avec ses meilleurs amis avant de joindre le groupe, admet que de pouvoir partager avec d’autres parents et avoir accès au soutien et aux explications complètes et structurées d’intervenantes professionnelles, ça fait toute la différence.
Nathalie a pour sa part appris que son conjoint et elle ont subi un choc post-traumatique en réaction à ce que vivait Josiane. Elle a aussi compris qu’il était très important de prendre soin de soi à travers tout ça. L’impact pour les proches de personnes en situation d’exploitation sexuelle peut être très important, le grand frère de Josiane ayant même plongé dans une dépression majeure à la suite des événements. Il ne faut donc pas hésiter à prendre toutes les ressources qui sont offertes et de s’outiller pour passer à travers, selon la mère de famille.
Aujourd’hui, toute la famille essaie de demeurer positive et garde espoir que Josiane quitte définitivement le milieu dans un avenir rapproché. Jean-François et Nathalie essaient de profiter pleinement des quelques moments qu’ils arrivent parfois à passer avec leur fille, en se gardant bien d’aborder le sujet qui pourrait mener à des tensions. Si Josiane est encore présente dans leur vie, c’est que les parents ont toujours réussi à garder le contact avec elle, peu importe les mensonges, les décisions qu’elle a prise ou les déceptions qu’ils ont vécues. C’est d’ailleurs le conseil que Jean-François donnerait à d’autres parents ou proches dans une situation similaire : « Gardez le contact, peu importe le mal que ça nous fait. Il faut rester là. »
* Des prénoms fictifs sont utilisés afin de conserver l’anonymat des personnes impliquées
Le groupe de soutien est maintenant destiné non seulement aux parents de personnes en situation d’exploitation sexuelle, mais aussi aux proches significatifs de celles-ci.
Deux groupes sont formés chaque année et sont ouverts aux proches et parents à travers la province.
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